
Les médecins ont toujours tenu une place importante à la Rose-Croix. Dans la Fama Fraternitatis (1614), à propos des membres de la Rose-Croix, il est écrit : « Leur accord premier fut celui-ci : tout d’abord qu’aucun d’eux ne devrait professer autre chose alors que la guérison des malades, et ceci gratuitement ». Joseph Balsamo, alias Cagliostro, l’aurait fait, nous dit-on.
Le Collège Invisible n’a pas la prétention de soigner. En revanche, il invite les praticiens, qu’ils soient médecins ou d’autres disciplines médicales ou paramédicales, à se joindre à lui pour contribuer à la réalisation d’un corpus de formation à la prophylaxie qui sera intégré dans les enseignements des premiers degrés de la nouvelle fraternité rosicrucienne, afin de permettre à ses membres, non seulement de préserver leur santé, mais aussi d’aider la collectivité à acquérir de bonnes pratiques. Car les adeptes des fraternités rosicruciennes ont de tous temps agi pour leurs semblables autant que pour eux-mêmes, et si les rosicruciens s’interdisent tout prosélytisme, ils ont en revanche à cœur de partager leurs connaissances.
Nous n’entrerons pas ici dans les détails d’un travail encore inabouti. Disons simplement qu’aucune pratique médicale n’est à rejeter a priori, mais qu’une distinction sera nettement faite entre les pratiques reconnues par les autorités médicales et celles qui ne le sont pas, afin de fournir une information aussi complète et objective que possible. Comme toutes les sciences, la médecine progresse en permanence, ce qui l’amène parfois à se désavouer. C’est en somme le problème du débat entre la science, qui se veut absolue, et la connaissance, évolutive et par conséquent relative.
Voici, extrait du « Manifeste 2023 », un texte qui précise la position de la Rose-Croix, entre science et connaissance :
LA ROSE-CROIX ET LA CONNAISSANCE
Voilà l’un des points les plus sensibles de la pensée Rose-Croix. Notez bien que l’on ne parle pas ici de science, mais de connaissance. La science est sujette à controverse, parce que ceux qui s’en croient les dépositaires — les scientifiques — ont une position dogmatique qui peut se résumer ainsi : puisqu’une donnée scientifique doit absolument être vérifiable, elle doit être corroborée par des faits préalablement vérifiés. N’est un scientifique que celui qui peut appuyer ses démonstrations sur une rhétorique intégrant les résultats validés par ses pairs. Le résultat est une sorte de cooptation rassurante pour tous, puisqu’elle ne doit remettre en cause personne. L’inconvénient — car il y en a un — c’est que pour un grand nombre de scientifiques les prémices de la preuve ne sont souvent que les prémisses d’un syllogisme. Selon ce principe, puisque personne n’a jamais apporté la preuve de l’existence de dieu, il est clair qu’il ne peut exister.
Quelle est donc la différence entre science et connaissance ? On prête à Socrate la phrase suivante : ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα (èn oïda oti oudèn oïda), je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. Parlait-il de science ou de connaissance ? Sans doute des deux, et c’est pourquoi cette phrase nous étonne, venant de la bouche de celui que l’oracle de Delphes considérait comme l’homme le plus savant de Grèce. Savant, sans doute il l’était, puisqu’il savait probablement plus de choses que la grande majorité des Grecs. Mais Socrate savait aussi que la science n’est cohérente avec elle- même qu’au sein des connaissances acquises — et admises —à un instant donné. La Connaissance admet l’existence de choses que l’on ne sait pas et que, par conséquent, on ne peut expliquer “scientifiquement“. Tout juste peut-on parfois observer les effets, sans connaître la cause. Platon admettait cette incapacité de tout comprendre dans sa parabole de la caverne. Et Oswald Wirth, que nous avons déjà évoqué, disait en substance de la médecine magnétique (l’imposition des mains) : “je ne sais pas comment ça marche, mais puisque ça marche, je prends”.
Le rosicrucien tendra par conséquent à rechercher la preuve de toute action, et agira en cela comme un scientifique. Mais il admettra aussi qu’il sait encore bien peu de choses, et ne rejettera pas pour autant ce qu’il ne comprend pas. De cette attitude vient le scepticisme de certains face aux prétentions scientifiques de la Rose-Croix. Ils ne veulent voir dans le comportement des adeptes que de la crédulité quand, par exemple, ils écoutent une médium, consultent leur pendule ou pratiquent l’alchimie ou l’astrologie. Alors qu’en réalité ils accordent à ces sciences à peu près autant de crédit qu’au pharmacien qui affirme que tel produit est un excellent stimulant, ou au chimiste qui prétend à l’innocuité pour l’homme d’un herbicide : ils entendent les arguments de chacun et se font leur propre opinion en fonction de leurs connaissances qu’ils complètent et réévaluent en permanence. Le pharmacien François Magendie, dans son “Formulaire pour l’emploi et la préparation de plusieurs médicaments” — dont la 9ème édition, la plus complète, date de 1836 — vantait les mérites de la strychnine comme stimulant. Elle n’a été interdite en France qu’en 1999, et à cette date elle servait essentiellement à tuer les rongeurs.
(Extrait de « Manifeste 2023 : Résurgence de la Rose+Croix » pages 115 et 116)