Pour certains spiritualistes, la pensée Rose-Croix semble être, vue de l’extérieur, purement matérialiste. Il n’en est rien : la spiritualité de la Rose-Croix ne s’explique pas par des mots, elle se vit et elle apparaît au rosicrucien à travers la connaissance du monde tel qu’il est, et non tel qu’il semble être. Partant d’une démarche d’observation, rationnelle et scientifique, le rosicrucien est amené à s’interroger sur ce qu’il appellera désormais le « monde des phénomènes ». Si Platon comparait les phénomènes à des ombres et les hommes ses semblables à des prisonniers enfermés dans une grotte et ne voyant que ces ombres, incapables de contempler ni de comprendre le monde réel, le rosicrucien apprend d’abord à voir le réel, puis à le comprendre. C’est de cette compréhension qu’est issue la spiritualité rosicrucienne.
Comment, dans ce cas, expliquer aux “profanes”, c’est-à-dire à ceux qui sont à l’extérieur de la fraternité, ce qu’ils n’ont encore jamais vu ?
D’abord, en leur demandant d’être patients. L’impatience a souvent amené des cherchants sincères à s’adonner sans préparation suffisante à des pratiques de théurgie, de jeûne, de prières, espérant ainsi approcher le Divin. Au contraire, reproduisant des pratiques qui, parfois, n’ont pour origine que l’imagination de quelques-uns, ils s’éloignent de l’Esprit, origine de la matière, et se perdent dans des pratiques imaginaires.
Partant de ce qu’Aristote appelait “ta physica”, les choses perceptibles par nos cinq sens, le rosicrucien en distingue “ta meta ta physica”, ce qui est au-delà des phénomènes physiques, la métaphysique. Il peut alors comprendre le lien qui unit ces deux pôles complémentaires, et remonter à la Source de toutes choses.
Ce sont d’ailleurs les scientifiques qui, durant ces derniers siècles, nous ont le mieux parlé de métaphysique :
Einstein, nous dévoilant en une simple phrase le mystère du temps a dit : “La différence entre passé, présent et futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle”. C’est en partant de cette constatation que le rosicrucien peut comprendre les phénomènes de divination et de précognition.
Planck, en définissant le temps et l’espace des origines de l’univers, n’a rien fait d’autre que formaliser de manière scientifique le FIAT LUX exprimé par ces mots dans le Prologue de l’évangile de Jean : “au commencement était le Logos, et le Logos était auprès du Divin, et le Divin était le Logos”.
L’illustration est un assemblage de deux images.
En bas, une représentation de la grotte que décrit Platon dans La République : les hommes n’ont de la réalité que l’image projetée sur le mur de la caverne dans laquelle ils sont enfermés. Cette caverne, c’est nous qui nous imposons d’y vivre dans l’enfermement de convictions qui ne nous appartiennent pas, puisqu’elles nous ont été transmises par d’autres. Platon nous invite à sortir de cette caverne et à nous faire notre propre opinion sur la réalité du monde. C’est aussi l’invitation qui vous est faite par le Collège Invisible, et qui doit occuper les premiers degrés de la fraternité rosicrucienne renaissante.
Dans la partie supérieure de l’image, nos personnages découvrent le monde — du moins ce que nous appelons le « monde phénoménal », le monde des phénomènes dans lequel tout semble s’imbriquer. Mais justement, ce monde : comment est-il devenu ce que nous découvrons jour après jour un peu plus ? Pourquoi ? Et qui en est l’auteur ? Ici, c’est Camille Flammarion (1842-1925), l’auteur de cette illustration, qui nous interpelle. Son personnage est allé voir ce qui se trouve au-delà du monde physique. Astronome et auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique dans le domaine de l’astronomie, calculant avec précision les mouvements de la Lune et défendant l’idée que d’autres planètes pouvaient être habitées, il s’est aussi intéressé à la médiumnité. Il fut président de la Société for Psychical Research, et un proche de Papus (Gérard Encausse, 1865-1916), l’un des ésotéristes les plus influents de la Belle Époque. Ésotériste notoire, Papus fut membre de l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, grand-maître du rite maçonnique de Memphis-Misraïm et co-fondateur du Martinisme.